Su Dennett et David Holmgren nous accueillent pour une visite d'une journée à Melliodora, à Hepburn dans le Victoria. Holmgren étant un des deux fondateurs de la Permaculture, nous nous attendons bien sûr à démarrer la visite sur ce sujet. Loin de là – quoique ? - il commence par présenter la maison et son design. En fait, il nous présente la zone 0 du principe de zoning en permaculture, comme pour nous rappeler que la permaculture n'est PAS uniquement une technique de jardinage, voir ce n'en est même pas une du tout. Il s'agit plutôt d'un système éthique et d'un ensemble de principes de design qui se déclinent en une variété de règles qui finalement guident la création de techniques.
A peu près à l'époque où David Holmgren et Bill Mollison choisissent le terme « permaculture » pour leur concept d'un système de design pour la vie, David était aussi entrain de construire des maisons solaires passives et résistantes au feu de forêt. L'idée était d'utiliser des matériaux naturels et récoltés de façon durable le plus possible et de designer la maison afin qu'elle ne demande – utilisé de façon appropriée – que peu ou pas de chauffage, et que celui-ci soit neutre en carbone quand il est utilisé, et pas de rafraîchissement. Il a rapidement découvert que pour que ce type de maison fonctionne, il faut également y intégrer des comportements humains. D'une certaine façon, les zones physiques de la permaculture provient naturellement de soi-même, de son propre comportement et s'étend à la maison elle-même puis rayonne dehors vers le potager dans cet ordre.
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Zone 0 : La Maison
En 1985, cette terre d'environ 0,9 ha était recouverte de ronces avec quelques arbres dont un immense poirier. La terre était assez peu chère à l'époque et il y avait sur ce terrain un cours d'eau avec la possibilité de construire un bassin de rétention, ce qui voulait dire assez d'eau et donc une bonne résistance aux feux de forêt. Il y a deux types de sol sur ce terrain, un plutôt argileux et un autre plutôt volcanique. La résistance aux feux de forêt doit être conçue de façon à ce qu'une personne, en bonne santé physique, puisse protéger la maison d'un feu de forêt. David explique que c'est seulement les concepts incluant une part active d'humain qui sont vraiment efficaces, 400 à 500% plus que n'importe quel design sans humain. Le principal attribut d'une maison solaire passive est l'orientation de la maison. La face nord reçoit le soleil d'hiver et doit être conçue de façon à en faire rentrer le plus possible dans la maison alors que la face sud doit être la plus fermée possible afin d'éviter la chaleur de l'été. La maison elle-même est faite en terre et en bois récolté de façon durable et consciente. Le mélèze par exemple est une très bon bois de construction même non traité. Le bois peut être récolté après des orages par exemple à partir des arbres qui sont tombés – c'est le cas des cyprès et de l'acacia à bois noir (australian blackwood) utilisés pour la maison de Melliodora. La maison a été construite avec des murs de briques de terre crue qui sont porteurs. Ceci est possible dans un climat relativement sec où il est possible de les construire progressivement et d'installer le toit ensuite. Dans un climat plus humide, il est généralement plus pratique de construire d'abord un cadre en bois, d'y placer le toit et ensuite de commencer sur les murs de terre crue qui sont ainsi protéger de la pluie. Les briques de terre crue sont créés avec la terre excavée lors du terrassement à l'endroit où la maison a été construite. Ce n'est pas un matériau très isolant mais il a une bonne masse thermique qui permet de capter et relâcher alternativement les excès de chaleur et de froid. Le sol et les murs intérieurs sont également faits de terre crue. Au nord, le mur de terre crue n'est pas extérieur car il y a une véranda et une serre tout le long de ce front. Au sud, les murs de terre crue sont en contact avec l'extérieur, toutefois, derrière il y a seulement la salle de bain et les chambres qui ne sont pas chauffées. A l'ouest, il y a un garage qui crée ainsi une large coquille de protection et sur l'est, la maison étant creusée dans la pente, le haut de la maison est au niveau du sol de la pente donc le mur est collé contre le sol. Les fenêtres sont double-vitrées avec un entre-vitre de 18mm qui est optimum pour l'efficacité de l'isolation. Ces fenêtres particulières ont été choisies pour leur résistance aux déchets volants lors des feux de forêt qui est une, sinon la, cause majeur des maisons qui brûlent lors d'un feu de forêt. Le toit est fait de tôle ondulée qui est à la fois léger, résistant et durable. Il y a une aération sur le toit afin de laisser l'air chaud qui monte s'échapper et ainsi créer un flot d'air rafraîchissant. David Holmgren dit que ce design est en fait « passif solaire, actif humain ». Les humains doivent s'assurer de descendre les stores et d'ouvrir et fermer les fenêtres quand nécessaire sinon la maison peut rapidement devenir un four ou un frigo si l'on n'en prend pas soin car l'inertie thermique est énorme donc une fois la température déséquilibrée, cela prend un long temps pour récupérer. En général, la maison doit rester fermée et n'être ouverte que lorsque Text=Tint. Dans la serre, les persiennes et l'aération du toit sont ouverts durant les périodes de chaleur. Les fenêtres de la serre sont attachées à la structure en utilisant du mastic de silicon pour un usage structurel. Ce matériau a prouvé avec les années son efficacité face aux variations de température et à l'humidité. Les persiennes de la serre et de la maison doivent être de bonne qualité et se fermer entièrement. Le poêle de la maison et le chauffage de l'eau ainsi que le chauffage général sont au feu de bois. Dans l'ensemble, 7 tonnes de bois par an sont utilisés. Il est récolté dans le bout de forêt dont ils sont propriétaires et aussi sur le terrain autour de la maison (branches coupées lors de la taille ou tombées des arbres...) David Holmgren explique qu'un forêt gérée de façon durable pourrait donner environ 5T par hectare par an de bois et 1T par hectare par an de rondins. Il est essentiel que le poêle soit efficace et de bonne qualité pour produire la chaleur en utilisant un minimum de bois. Le charbon restant peut être utilisé dans le jardin en biochar et les cendres sont utilisés dans les pâturages car le compost utilisé pour le jardin fournit déjà suffisamment de potassium en général. Lors de la conception, David mentionne qu'il est fondamental de s'intéresser à l'origine des matériaux et leur implication à la fois politique et écologique. Pour constuire une maison, le bois choisi doit avoir peu de retrait afin d'assurer une bonne connexion avec le mortier et la peinture. Le bois doit aussi être soigneusement choisi en fonction de sa résistance aux nuisibles et à l'humidité. Le pin de monterey est assez sensible à la petite vrillette par exemple. Afin d'obtenir plus de luminosité, le plafond et les murs ont été recouverts avec de la chaux blanche sur le bois plutôt qu'un vernis. Dans les débuts, la maison était connectée au réseau de la ville mais l'eau était très chlorée. Ils ont à présent installé des cuves de collection d'eau de pluie. Ils utilisent des toilettes au compost. L'huile de cuisine est essuyée avec du papier plutôt que nettoyée avec du détergent et de l'eau pour réduire la pollution de l'eau. L'eau file ensuite dans un système de traitement des eaux grises. Leur consommation électrique est de 4,5-5kwh/day incluant un bureau pour plusieurs personnes et un petit frigo ainsi qu'un congélo installé dans la pièce la plus froide et choisi pour son efficacité électrique. Il n'y a pas de chauffage électrique pour l'eau ou l'espace à vivre. Un système de panneaux solaires compensent cette consommation. Un grand placard qui prend tout un mur de la cuisine est équipé avec des tubes qui sortent du sol ety amènent de l'air frais et une ventilation en haut pour laisser l'air chaud s'échapper. Ceci peut aussi être réalisé en utilisant une cuve d'eau comme masse froide. D'autres tiroirs sous le comptoir de la cuisine sont conçus de façon à être parfaitement hermétiques lorsqu'ils sont fermés et contiennent de la nourriture en vrac. Sue achète de grosses quantités de nourriture en vrac pour eux-même et des voisins, épargnant ainsi de l'argent et des déchets. Elle stocke tout ça où il y a de la place dans la maison et insiste sur l'importance d'avoir un garde-manger assez grand. Elle utilise notamment du kamut, une graine ancienne délicieuse. Impressionnée par l'ensemble des connaissances et des compétences nécessaires pour construire une maison, je lui demande comment on fait pour acquérir tout ça afin de pouvoir faire une maison par soi-même. David explique que lui-même est plutôt un adepte du travail du bois et qu'il a demandé à un ami qui connaît la plomberie de l'aider. Le reste peut être appris et pratiqué sans trop d'expérience. Il dit de lui-même « Je suis plutôt un constructeur écologique qu'un fermier écologique mais on a plus besoin de nourriture que d'habitat en ce moment »
Production de nourriture: jardin potager et verger
Malgré cela, nous passons bien sûr au jardin. Le verger a été planté là entre 1989 et 1990. Comme le terrain est à 500m au-dessus du niveau de la mer et à 100km de la côté, il peu y avoir du gel. Toutefois, grâce à la maison qui crée un espace abrité devant et avec les arbres et les haies, un petit microclimat est créé proche de la maison où sont implantés les plantes les plus fragiles comme les fejoas. Dans l'ensemble, le jardin produit à peu près 2,5T de fruits dans l'année, assez de légumes pour ceux qui vivent sur place sans avoir besoin d'en acheter. L'auto-suffisance en nourriture, et même l'auto-suffisance en général, est aussi savoir « aligner ce que vous manger avec ce que vous avez ». David s'inquiète de la « vulnéralblité du juste-à-temps » dans notre système de nourriture global et souligne l'importance de consommer local et de soutenir les fermiers locaux. Techniquement, il y a des planches de culture organisées selon une rotation régulière dans le jardin. Certaines planches sont plutôt type « market gardener » (propres, bien en ligne, efficaces) et d'autres sont laissés afin de favoriser la biodiversité et renouveler le stock de graines. Il y a plusieurs approches mélangées dans ce potager. Après tout c'est la diversité qui rend le système résilient, comme dans la nature. On trouve de grandes quantités de bourrache et de consoude, des plantes bien utiles, à la fois pour faire du mulch et comme plantes mellifères. Un cataplasme de consoude peut même soigner les os abîmés et les bleus, c'est aussi une des seules sources de vitamine B12. Les asperges et les artichauts sont plantés sous les arbres feuillus car ils poussent en hiver quand les arbres ont perdu leurs feuilles et sont ainsi protégés par ceuxi-ci durant les chaudes périodes d'été. Il y aussi des chèvres, des poules et des canards. Il y a des tas de compost dehors fait avec les déchets verts du jardin. Il y a également un autre tas de compost dans l'enclos des poules où sont placés les déchets de la cuisine. Dans l'ensemble c'est un système intégré où humains, animaux, légumes et arbres fruitiers intéragissent autour des ressources telles que l'eau, le soleil et le sol.
PLUS D'INFORMATIONS
Website: Holmgren Design
Facebook: @MelliodoraHepburnPermaculture
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